Le projet de recherche-création du BREF s’intéresse aux questions liées à l’espace et aux processus créateurs. Plus précisément, ses objets d’étude sont : le roman par nouvelles dans une perspective géocritique; la géopoétique; l’hybridité générique; les processus de création des nouvellières contemporaines québécoises en regard des stratégies de spatialisation qu’elles utilisent dans leurs œuvres.
Il se divise en deux volets qui explorent une même problématique et sollicitent une double posture – recherche et création –, suivant une méthodologie en cinq phases privilégiant :
- l’étude des recueils de nouvelles ou roman par nouvelles de neuf nouvellières, dans une perspective relevant de la géocritique;
- des entrevues enregistrées auprès de ce même échantillon d’écrivaines;
- l’écriture d’un roman par nouvelles inédit et collectif;
- la tenue d’un blogue littéraire relatant la genèse et l’évolution du projet de création collectif;
- la rédaction d’un essai intitulé Espace fragmenté, espace réfracté : étude géocritique de neuf romans par nouvelles.
Dans le volet réflexion du projet, Espace fragmenté, espace réfracté : étude géocritique de neuf romans par nouvelles, nous analysons, dans une perspective géocritique (Lahaie et coll., 2009; Westphal, 2000; 2003; 2007), un corpus de neuf recueils québécois publiés après 1990 qui portent ou auraient pu porter la mention générique « roman par nouvelles ».
Ce projet nous amène à nous pencher sur la complexité des processus d’écriture-réécriture qui sous-tendent les recueils à l’étude. À notre analyse s’ajouteront des entrevues avec les neuf écrivaines sur leurs processus de création respectifs, leur rapport au territoire et à l’espace et sur le flottement générique entre forme longue et forme brève.
Le volet création du projet se décline en trois phases et tient d’une création évolutive alliant réflexion et pratique.
Nous (les quatre nouvellières du BREF) avons choisi un lieu public rimouskois : la pointe aux Anglais, au Bic (Québec, Canada), autour duquel doivent se dérouler les vingt textes autonomes qui constitueront notre roman par nouvelles.
Il convient donc d’aller s’inspirer concrètement de l’endroit désigné pour prendre des notes et des photographies ou autre documentation que nous jugeons pertinente, et écrire en adoptant une « posture géopoétique » (White, 1994 et http://www.kennethwhite.org/geopoetique/; White et Bouvet, dir., 2008; Bouvet, 2015). Chacune des auteures s’appuyant sur les nouvelles des autres, la cotextualisation et la fragmentation sont inhérentes au processus de création. Les personnages et les figures spatiales s’enrichissent au gré de l’accumulation et de la superposition des textes.
Ce projet nous permet d’aborder de réelles questions d’écrivains – elles-mêmes sous-tendues par les concepts théoriques auxquels nous référons dans le volet réflexion du projet et qu’il convient de réinvestir dans et par la pratique. Subjectivité et perception de l’espace à représenter; focalisation par les personnages ou les narrateurs des autres; « figures spatiales projetées » (c’est-à-dire « mémorielle, onirique ou imaginaire ») (Lahaie, 2010 et Boyer, 2004) qui entrent en conflit ou en résonance avec le lieu réel; personnages qui se croisent ou non dans la macro-figure spatiale choisie; objets évoqués ou manipulés par les personnages deviennent autant d’éléments cofondateurs des textes autonomes et du roman par nouvelles.
Chacune d’entre nous est responsable de six nouvelles et nous écrivons nos textes en alternance, suivant un calendrier précis de remise des textes aux autres collaboratrices, calendrier qui s’étale sur les deux premières années (été 2018 – été 2020) du projet.
Lors de la troisième année du projet (printemps 2020 – printemps 2021), nous entamerons la relecture et la réécriture collective du roman par nouvelles. Tantôt chacune reviendra sur ses textes personnels, ainsi que sur ceux des autres; tantôt la réécriture se fera en synergie. L’ordre final des textes – aspect important s’il en est dans un roman par nouvelles – et titres potentiels du manuscrit seront également débattus en équipe.
Enfin, tout au long de l’écriture et de la réécriture du manuscrit, dans un esprit poïétique (Passeron, 1985), afin de documenter les processus créateurs et de joindre, d’une autre façon, pratique et théorie, chacune d’entre nous consigne ses réflexions, ses questionnements et ses intuitions de praticienne dans des carnets virtuels qui prennent la forme d’un blogue littéraire – Les carnets du BREF, que vous visitez présentement, enrichissant le projet d’un volet génétique (Grésillon, 1994; 2009; 2011). À cet effet, chacune est amenée à témoigner, cette fois d’un point de vue de chercheure-créatrice, des enjeux liés à la création d’un espace fragmenté et au pari que représente l’écriture d’un roman par nouvelles évolutif et collectif.